La jeune mage était assise sur un banc de pierre, le dos courbé, le visage fatigué et ensanglanté. Ses yeux se posèrent sur sa robe : celle-ci était pourtant gorgée de magie, mais cela n’avait pas suffit à la protéger de tous les dangers, les accrocs et les déchirures en témoignaient.
Avec une grimace de douleur, elle continua de masser ses côtes endolories, puis releva la tête et posa son regard sur la salle où elle se trouvait. La pièce, qui encore quelques minutes plus tôt, avaient été remplie d’œufs de dragons, était à présent sans dangers. Seuls ses compagnons d’armes étaient là désormais, occupés à panser leurs plaies et à réaliser qu’ils étaient encore en vie.
En vie…Oui, elle était toujours en vie... Et pourtant, la faucheuse avait bien faillit la prendre. La magicienne commençait seulement à se rendre compte à quel point elle était passée proche de la mort.
Elle respira un grand coup, malgré la douleur, et ne pu s’empêcher de repenser au combat qui venait de se dérouler. Sa vision se troubla, et les sons qu’elle percevait se firent de plus en plus lointains…
Elle revivait mentalement ce qui venait de se passer…
Ses compagnons et elle étaient venus au Mont Blackrock afin de vérifier de sombres rumeurs. Plusieurs indices recueillis depuis de nombreux mois avaient sous entendu qu’un nouveau Seigneur avait élu domicile en ces lieux, et qu’il réunissait en ce moment même une armée d’orcs et de dragons noirs, la plus féroce et dangereuse des volées. Si ces rumeurs étaient fondées, alors assurément ce Seigneur devrait être neutralisé.
Mais leurs derniers espoirs avaient volé en éclat lorsque la magicienne et ses amis étaient entrés dans la première salle de la Forteresse Noire. Ils avaient affronté et vaincu bien des horreurs au cours de leurs aventures passées, mais ce qu’ils virent alors leur glaça le sang. La pièce était remplie d’œufs de dragons, chacun de la taille d’un homme…Ils eurent à peine le temps de réaliser, que soudain, la grille de l’entrée se referma violement sur eux, tandis qu’une cacophonie de gongs éclata en même temps. Ils venaient de tomber dans un piège !
Ils virent alors des grilles devant eux s’ouvrir, et immédiatement, des dizaines d’orcs enragés sortirent de l’obscurité pour les charger. Aussitôt, les compagnons d’armes se mirent en formation de combat. Les guerriers frappèrent leurs boucliers contre leurs armes en signe de défi, et poussèrent leurs cries de guerre avant de se jeter éperdument dans la mêlée. Les prêtres entamèrent aussitôt des sorts de soins, tandis que les paladins invoquèrent la protection de la Lumière. Ca et là, quelques orcs réussissaient à traverser la muraille d’acier formée par les guerriers, mais les démonistes les repairaient aussitôt et instaurèrent dans leurs songes les images de leurs pires cauchemars.
Un à un, les orcs tombaient, tandis que les compagnons d’armes se battaient avec ferveur et énergie. Mais alors que l’espoir renaissait, une nouvelle menace fit son apparition. Les coquilles des œufs de dragons, qui jusque là, étaient restées inertes, se mirent à trembler, puis éclatèrent, les unes après les autres, laissant apparaître des montagnes de crocs et de griffes assoiffées de sang. La situation devenait critique…
Mais alors que les dragons chargeaient, certains s’arrêtèrent net, plongés dans le domaine des rêves d’Ysera par les druides. Ceux qui résistèrent furent provoqués et attirés par les chasseurs, dont les années de survie en pleine nature leur permettaient de les maintenir à distance. Les uns après les autres, les dragons furent pris en charge, mais les combats au cœur de la mêlée faisaient toujours rage…
La jeune mage, qui était restée en arrière avec ses semblables, sentit soudain un changement dans l’air. L’atmosphère se fit lourde, et une odeur d’ozone commença à se faire sentir. Immédiatement, la magicienne se concentra et détecta mentalement l’origine de ce trouble. Ce n’est qu’à la dernière seconde qu’elle réussit à contrer l’incantation que le sorcier orc se préparait à lancer. Celui-ci, ivre de rage, fonça littéralement sur elle. Mais la jeune femme était prête. Elle pointa son bâton crépitant d’énergie vers son ennemi, et d’un mot, libéra une boule de feu incandescente, qui prit la forme d’un oiseau juste avant d’exploser sur l’orc. Ses
compagnons mages n’étaient pas en reste, et faisaient pleuvoir sur leurs ennemis une mortelle averse d’éclairs de givre et de projectiles magiques.
Du coin de l’œil, elle aperçut un sorcier qui d’approchait dangereusement, mais l’incantation qu’il préparait mourut dans sa gorge lorsqu’une dague habilement lancée se planta dans ses chaires. Tel une ombre, le voleur apparut brièvement pour reprendre sa dague, puis, presque aussitôt, disparut, à la recherche de nouvelles proies.
Mais de nouveaux orcs sortaient toujours des grilles, et pour un qui tombait, deux autres prenaient sa place. De plus en plus parvenaient à passer outre la barrière des guerriers, et les compagnons d’armes, bien que vaillants, commençaient à fatiguer…
La magicienne vit à sa droite un sorcier se faufilant dans les ombres, mais ne lui laissa pas le temps d’agir. D’un mot, elle fit s’abattre sur lui un pilier de flammes, qui le consuma immédiatement. Mais alors qu’elle reprenait son souffle, elle sentit une respiration rauque sur sa nuque. Elle se retourna à toute vitesse, mais elle n’eut pas le temps de se défendre…Un orc la saisit violement, son énorme main faisant presque le tour de son cou, et la souleva de terre. Puis, après lui avoir adressé un sourire macabre, il la projeta avec une brutalité extrême contre un mur à quelques mètres seulement. La jeune mage percuta le mur sèchement, et aussitôt, tout son corps ne fut plus que douleur. Elle sentit ses os se briser et son sang couler en travers de sa gorge. Elle retomba à terre, comme une feuille morte, à peine consciente, ses yeux mi-clos remplis de larmes d’agonie.
Mais alors que son agresseur s’approchait d’elle pour lui porter le coup de grâce, un rugissement comme jamais encore elle n’en avait entendu se répercuta dans toute la salle.
Aussitôt, tous les orcs et les dragons semblèrent s’affoler, et s’enfuirent par les grilles d’où ils étaient venus. Un second hurlement, encore plus puissant que le premier, se fit à nouveau entendre, signe que la bête qui le poussait s’approchait de plus en plus. Les guerriers se regroupèrent pour faire face à cette nouvelle menace, car quoiqu’elle soit, cette bête avait terrorisé leurs ennemis pourtant enragés. Soudain, une immense porte en fer, jusque là restée close, vola en éclat.
C’est alors que le monstre apparut.
Il ressemblait aux dragons qu’il venait de faire fuir, mais il était bien plus grand encore, et dans ses yeux étaient visibles les flammes de la cruauté elle-même.
La jeune mage, qui était toujours étendue par terre, tenta vainement d’approcher sa main de son bâton, à quelques centimètres d’elle seulement, mais elle sentait ses forces l’abandonner lentement. Elle vit que non loin d’elle, gisait son amie Deïa. Elle aussi, visiblement, elle avait été gravement blessée, car elle ne bougeait presque plus. Les yeux toujours embués de larmes, et la bouche pleine de sang, la magicienne était brisée, et la dernière image qu’elle vit avant de sombrer dans l’inconscience, c’était l’immense dragon noir qui chargeait ses amis…
…Aglaë ? … Aglaë ?
La femme secoua vivement la tête, comme pour se réveiller, et aperçut en face d’elle son amie Deïa. Un long bandage entourait le front de la courageuse gnome. Elle aussi, les prêtres l’avaient sauvé de justesse, comme tant d’autres durant cette bataille.
Tu es sur que ça va Aglaë ? , lui demanda son amie, l’air inquiet.
Oui…Oui, je crois que oui…Je suis juste un peu fatiguée…Mais ça va aller…
Aglaë regarda son amie s’en aller, puis, après quelques longues secondes, posa son regard dans le coin de la pièce où gisait la dépouille du dragon. Celui-ci était immobile maintenant, figé à jamais dans un froid mortel. Tout son corps était recouvert de flèches ; la plupart s’étaient brisées après s’être plantées à travers son cuir. A de nombreux endroits, ses écailles avaient été arrachées ou brûlées, et d’innombrables coupures étaient visibles. Une en particulier, au niveau de la gorge, semblait bien plus profonde que les autres. Probablement le coup qui avait été fatal à ce monstre…
La magicienne soupira de nouveau, et ferma les yeux…Oui…Elle et ses amis avaient tous survécu à ce piège infâme. C’était un véritable miracle…mais hélas, ce n’était que le début de cette aventure. La première salle était sans dangers à présent, mais quelles autres horreurs allaient ils rencontrer dans ce lieu si sombre ? Cela, ils ne le sauraient qu’en avançant…
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